Conseiller artistique Christophe Mirambeau
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Violon Thibaut Maudry
Violon Florian Perret
Alto Oriane Pocard-Kieny
Violoncelle Florent Chevallier
Harpe Chloé Ducray
Récitant Pascal Neyron



Avec la collaboration de la société Reynaldo Hahn

LE SALON DE MADAME LEMAIRE

5 sept 2020 | Maison Cocteau Milly la forêt

Les musiciens des Frivolités quittent la fosse d’orchestre pour venir présenter au public des raretés du répertoire dans des formations aussi différentes qu’originales.

En 1894 Marcel Proust a 23 ans. Il puise son inspiration au sein de la bonne société parisienne, et c’est au sein du prestigieux salon de Madeleine Lemaire qu’il rencontre Reynaldo Hahn. Ils partageront leur vie durant une même passion pour la musique et la poésie, et écriront même ensemble leurs Portraits de peintres. L’année suivante, Hahn compose ce Trio en Fa mineur, demeuré inédit, et qui sera créé à l’occasion de ce concert. Proust et Hahn sont fascinés tous deux par l’art de Baudelaire, qui traduit en français en 1845 la nouvelle d’Edgar Allan Poe « The masque of the Red Death ». André Caplet s’en inspire pour écrire son Conte fantastique pour harpe et quatuor à cordes en 1908. La même année, Florent Schmitt écrit son Andante et Scherzo pour la harpe chromatique de Gustave Lyon et quatuor à cordes. Les deux œuvres sont tout à la fois ciselées et fantasques, à l’image du début de siècle qui les a vu naître.

Trio en fa majeur (création) pour violon, violoncelle et piano de Reynaldo Hahn

Dédié à l’épouse de Gustave Lyon, le directeur de la manufacture de pianos Pleyel, le Trio en fa majeur de Reynaldo Hahn, pour violon, violoncelle et piano, est lié au séjour qu’il fit avec Marcel Proust en Bretagne, à Beg-Meil, à la fin de l’été 1895. Comme l’écrit le musicien dans son journal, il le « gribouille sur la table de la salle à manger pendant que Marcel s’efforce de [lui] faire admirer Sartor Resartus », un roman « coriace » de Thomas Carlyle. Seul le premier mouvement, Allegro con moto, sera achevé et vraisemblablement exécuté en privé, la dégradation des relations entre Hahn et Proust à partir de 1896 ayant fait naître chez le compositeur des sentiments ambivalents à l’égard de ce trio, qu’il a « tenu des journées entières attaché à lui par des liens impossibles à briser » (Journal).

Peu attiré à cette époque par la musique de chambre, Hahn témoigne cependant dans cet Allegro initial d’un sens manifeste des proportions et de l’agencement thématique. Se démarquant de la construction traditionnelle qui oppose plusieurs thèmes avant de les développer et de les réexposer, il organise les trois parties du mouvement en créant un fort effet de contraste entre la partie centrale et celles qui l’encadrent ; la dernière combine l’ensemble des idées musicales déjà entendues tout en revenant au thème originel. Le musicien confie avoir voulu traduire le parcours « de deux âmes primitivement harmonieuses, unies et qui sont devenues discordantes ». Après l’évocation « des souvenirs de ce que fut leur amour, mais enlaidi, dénaturé par leur disposition actuelle », leur cheminement se termine alors « sur un fond d’indifférence » (Journal).

Philippe Blay